Juste avant de reprendre la route des festivals cet été, Olivia Ruiz, dont le dernier album Le Calme et la tempête s’est écoulé à 100 000 exemplaires, nous a donné rendez-vous dans un café parisien. Sa musique, son parcours, ses goûts et ses petites lubies... la jeune femme se livre en toute décontraction.

Vous allez enchaîner une vingtaine de festivals cet été. Avez-vous un souvenir de scène à nous faire partager ?
La première fois que j’ai fait Les Vieilles Charrues, ça devait être en 2006. C’était au décollage de La Femme chocolat et on avait rien vu venir du succès de l’album. Là, on m’annonce que je joue à 16 h. Sur le coup, c’est la déception, je me dis qu’il n’y aura personne. Je monte sur scène et ils sont 50 000 à reprendre en chœur J’traîne des pieds. Avec mes musiciens, on devient spectateurs du concert tellement on est surpris et émus.

Et un grand moment de solitude ?
Un an après la sortie de La Femme chocolat, j’étais en Amérique du Sud pour une tournée. Juste avant de monter sur scène au Chili, les organisateurs nous disent qu’il n’y a que deux spectateurs présents, au sens propre du terme. On est persuadés qu’on ne jouera pas. Du coup, moi qui ne bois jamais d’alcool avant mes concerts, j’ouvre une bouteille avec mes musiciens. Et rapidement ça dégénère. On commence à faire les imbéciles, je les maquille etc. sauf qu’une heure et demi plus tard la salle était pleine. Mes musiciens avaient une dégaine pas possible et moi je n’étais plus trop en pleine possession de mes moyens... Mais au final, on y est allés et on s’est éclatés !

 Olivia Ruiz se confie, la "femme chocolat" revient sur son dernier album et sa tournée estivale.

Comment fait-on pour enflammer un public qui n’est pas forcément acquis sur les festivals ?
Je crois qu’il faut être généreux, être centré sur le public. J’aime bien faire rire les gens et leur raconter des bêtises entre les morceaux.

Vous avez des vacances cet été ?
Je prends une semaine mais je ne sais pas encore ce que je vais faire. Je partirai sûrement à l’étranger. En mars dernier, j’étais toute seule à New York. C’était super. L’année dernière, c’était Los Angeles et Cuba en solo. Je fais ça très souvent. Le mieux c’est de loger chez l’habitant.

Qu’emporteriez-vous sur une île déserte ?
C’est terrible ce que je vais dire mais si je dois emporter un seul truc ce serait mon iPad. Si tant est qu’il y ait une prise sur place bien sûr. Avec, je peux écouter de la musique, en faire, jouer à des petits jeux idiots, lire des bouquins et puis j’ai toutes les photos des gens que j’aime.

D’ailleurs vous écoutez quoi ?
J’ai de tout : des choses actuelles et puis je suis une collectionneuse de bandes originales de films des années 1950 à nos jours : West Side Story, La Mélodie du bonheur, My Fair Lady, Sweeney Todd. J’ai également des classiques du genre Neil Young, Johnny Cash, Elvis ou Frank Sinatra.

Quel regard portez-vous sur votre parcours ? Est-ce que vous changeriez quelque chose avec le recul ?
J’ai de la fierté. Je me dis que je n’ai rien volé, que je me suis battue et j’ai bossé comme une dingue. Même quand je doutais, j’ai lutté pour mes idées dans ma musique. Et si je devais changer un truc ça serait la production artistique de mon premier album.

Vous referiez la Star Academy ?
Bien sûr, sans ça je serais encore à faire des petits concerts dans les bars, mais je le referais peut-être différemment. J’essaierais peut-être de m’imposer un peu plus.

Comment vous avez fait pour renverser la vapeur et vous détacher de cette image ?
Je ne sais pas, j’ai pris de la distance pour me faire oublier. De façon à ce que quand je revienne sous le nom d’Olivia Ruiz, les gens ne m’y associent pas forcément. À la sortie, on nous réclamait partout mais pour du néant. Je ne voulais pas me faire voir pour me faire voir. Je voulais avoir quelque chose à présenter.

D’ailleurs, quel regard portez-vous sur les télé-crochets ?
Je ne les regarde pas. Je ne dis pas que c’est nul, c’est juste que ça ne m’amuse pas. En fait, je préfère regarder un truc qui ne va rien m’apprendre du tout comme un bon vieux DVD de Friends, ou des Simpsons dont je suis fan.

La vocation d’être chanteuse a été précoce. Avez-vous imaginé que vous pouviez faire autre chose dans la vie ?
Au départ, je voulais être comédienne, pas chanteuse. Je chantais avec des groupes mais j’ai fait des études d’art dramatique. Je savais que je voulais être sur les planches. Sinon, j’aurais bien aimé être assistante sociale ou psy.

Vous avez entièrement écrit et composé votre dernier album. Le fait qu’il soit disque de platine doit avoir une saveur particulière ?
C’est un soulagement. Je me prépare toujours à ce que mes disques ne marchent pas. C’est un peu un miracle que ma musique arrive à toucher le grand public. Ce que je fais est un peu barré, mes thématiques sont parfois dérangeantes et je me demande toujours si le public va aimer. Là, le disque s’est bien vendu donc je peux me détendre.

Entre une tueuse, dans Les Crêpes aux champignons, une femme entreprenante, dans La Voleuse de baisers, et une voyeuse, dans My Lomo and me (je photographie les gens heureux), faut-il voir dans vos textes l’expression de désirs refoulés ?
Désir refoulé peut-être pas, mais pour La Voleuse de baisers, un fantasme totalement ! Je ne suis pas une collectionneuse de rencards. Quand je peins des personnages diamétralement opposés à ce que je suis, c’est comme si je m’offrais un bonbon sur scène, c’est savoureux en termes de comédie.

Vous travaillez déjà sur un prochain album ?
J’ai quelques trucs en réserve mais je ne travaille jamais sur un album. Je fais juste des chansons. Si je me dis que je fais un album, je n’écris plus et je ne compose plus, j’ai trop peur du résultat.

Sinon, j’ai entendu dire que vous étiez une fana de chaussures et de produit bio ?
C’est vrai que j’ai un problème avec les chaussures. Faut que j’arrête. J’ai une pièce dédiée à mes soixantaines de paires et à mes fringues. Et oui, mes amis me chambrent car je suis "madame bio". Chez moi on mange des graines avec du tofu. Maintenant, je ne suis pas psychorigide, je ne crache pas sur une bonne tablette de chocolat.

Vous êtes gourmande ?
Oui je pense que je suis la seule fille de 33 ans qui prend encore un goûter tous les jours.

A propos, la trentaine, c’est l’heure des questionnements en tout genre ?
Oui complètement ! Pour moi la trentaine, c’est la chanson Le Calme et la tempête. On se demande où on va, ce qu’on attend de la vie. On fait le point sur les dix années écoulées. Il y a deux ans, j’ai d’ailleurs mis un coup de frein, j’ai voyagé et je me suis éloignée de la vie médiatique pour faire un petit bilan.

Croyez-vous avoir rempli les attentes que vous aviez étant enfant ?
Non car mon rêve le plus absolu était d’avoir trois gosses à mon âge. Ça ne correspond pas mais ce n’est pas grave. Comme tout le monde, j’ai la pression de la société sur les épaules. Les gens ne comprennent pas qu’à 33 ans on puisse être célibataire, sans enfant et pas malheureuse pour autant. D’ailleurs, ce truc du fantasme du bonheur est un thème qui m’est cher et qui revient souvent dans mes chansons.

Vous pouvez nous en dire plus sur vos projets ?
 Je me remets à la danse pour l’opéra L’Amour sorcier, avec le chorégraphe J.-C. Gallotta et le chef d’orchestre Marc Minkowski, que je jouerai en octobre sur la Scène nationale de Grenoble. Il y a cinquante minutes de chorégraphie, ça ne va pas être une mince affaire mais je suis super enthousiaste. En même temps que je rejouerai ce projet début 2014 à l’Opéra comique, il y aura la promo du film d’animation de Mathias Malzieu, La Mécanique du chœur pour lequel je prête ma voix.

Et le cinéma ?
J’ai reçu quelques propositions mais j’attends le coup de cœur.

Vous êtes tentée par l’écriture de scénarios ?
Oui, c’est un truc que je ferai un jour. J’ai pas mal d’histoires dans mes tiroirs. Mais c’est un travail de longue haleine. Je ne sais pas si j’aurais les épaules pour un projet comme ça.

Où vous voyez-vous dans 10 ou 15 ans ?
J’espère dans un joli mas près de Montpellier avec mes enfants, en train de composer.